la maltraitance
elle existe, c'est inévitable...que ce soit sous une forme physique ou, plus insidieusement, sous une forme psychologique!
Mais je crois que l'on peut parler de maltraitance tant pour les patients que pour les soignants...je vais parler ici de ce que je connais le mieux, c'est à dire de la maltraitance sur des personnes agées!
Il faut savoir que les gens rentrent de plus en plus vieux dans les maisons, et c'est tant mieux, mais cela veut dire aussi qu'ils sont déjà très démentifiés, soit victimes de la maladie d'alzheimer, soit atteints de démence sénile, ce qui, en fait, revient au même!
Travailler en maison de retraite, c'est vraiment très difficile, tant physiquement que psychologiquement!
Imaginez-vous durant 8 heures, à vous occuper de personnes qui ne comprennent absolument pas ce que vous leur dites, qui ont une démence parfois violente, qui sont opposants à tout ce que vous essayez de faire auprès d'eux, qui bavent, qui crachent, qui sont incontinents et j'en passe! Et si, en plus,comme c'est souvent le cas, vous êtes si peu nombreux que vous ne pouvez pas passer la main lorsque vous êtes sur le point de craquer, vous risquez de basculer!
Alors évidemment il y a différentes formes de maltraitance,par exemple j'ai surpris un jour une collègue qui trainait une dame atteinte d'alzheimer dans les couloirs en la tirant de façon très violente par l'oreille, ce type de comportement est inacceptable, tout comme les coups!On ne peut que dénoncer ce type d'agression, c'est une évidence!
Mais je peux "comprendre" qu'un jour, on craque, et que l'insulte ou la giffle partent!
Lorsque j'exerçais en France, il arrivait que je doive bosser 6 ou 7 jours d'affilée, parce qu'il manquait du personnel, il était fréquent que le téléphone sonne à 6h du matin un jour de repos et qu'on "exige" que je vienne travailler...c'est totalement illégal, mais ça ne gênait pas le directeur que nous avions à l'époque. Dans de telles conditions,il est impossible de se relaxer, et à être toujours tendue, on peut parfois ne plus supporter et ce sont toujours les innocents qui trinquent! Je n'ai dieu merci jamais frappé un résident, mais j'en ai eu souvent envie, et il m'est arrivé de ne pas être tendre oralement, voire de donner une tape sur la main, comme on le fait avec les enfants désobéissants!! Après, on s'en veut, on s'excuse, mais je crois que c'est quasiment inévitable !
Nous sommes des êtres humains avec des faiblesses et lorsqu'on exige trop de nous, on peut basculer. C'est pour cela que je parle de maltraitance du personnel, parce qu'il est inadmissible qu'on demande aux gens de travailler plus de 5 jours d'affilée dans de telles conditions, parce qu'il est impossible de donner des soins corrects lorsqu'on est épuisé, surbooké et il me semble que le role de l'Etat serait de founir le personnel et les formations suffisantes pour assumer une charge de travail de plus en plus difficile et lourde...
Si au moins il existait dans les établissements, un suivi psychologique du personnel, un endroit où déverser le trop plein de fatigue, d'amertume et d'agressivité ainsi que des personnes à qui se confier, je pense que cela nous aiderait vraiment, passer des journées entières dans un milieu de démence, d'agressivité, de souffrance et de mort, cela nécessite un soutien psychologique! Et je reste persuadée qu'avec ce support, il y aurait moins d'agressivité de la part des soignants envers les personnes dont ils s'occupent!
Une aide-soignante qui n'en peut plus et qui peut l'exprimer, si on l'écoute et qu'on la soutient, ne basculera pas!
Il y aura toujours des dérapages, parce que la maltraitance, la violence gratuite et jouissive pour celui ou celle qui la pratique existera malheureusement toujours...mais pour les autres, ceux qui "craquent" nerveusement mais qui n'osent pas prendre quelques jours de maladie parce qu'on va dire que ce sont des tire au flanc, parce que la sécu ça coute cher etc, pour tous ceux-là, et ils sont nombreux, un soutien psychologique au sein de l'établissement éviterait certainement les mots ou les gestes "de trop".
Je n'excuse en aucun cas la maltraitance, je dis juste qu'elle est parfois et selon le contexte "compréhensible"
le personnel des maisons de retraite, souvent, n'est pas formé en psychiatrie, et avec l'allongement de la vie, la population des établissement tient à présent plus de la psycho-gériatrie que de la gériatrie simple, et la prise en charge en est bien différente!
N' oublions pas que les soignants, tout comme les patients, sont des humains, pas des machines!!!
